15 / 10 / 05 - 18 / 11 / 05
Simone FORTI - Danser l'actualité
 
projet d'exposition / project for an exhibition about Simone FORTI, Grenoble
 


Figure centrale de la danse postmoderne américaine, Simone Forti développe depuis le début des années soixante un travail d’improvisation basé sur l’observation et la reconnaissance du geste quotidien élémentaire. Arrivée à New York en 1960, elle participe au mouvement de radicalisation de l’art qui s’étend à toutes les disciplines.
À travers l’exposition Danser l’actualité, nous avons souhaité mettre en exergue la dimension du mouvement à la fois physique et psychique dont le travail chorégraphique et poétique de Simone Forti est emblématique. Nous avons également choisi de présenter le contexte artistique et politique pendant lequel son travail a émergé. Le parti pris documentaire affirme une volonté de privilégier l’indexation et la fragmentation à une forme commémorative. Nous avons par ailleurs élargi l’exposition à d’autres lieux publics de la ville de Grenoble (bibliothèques, fonds d’archives, radio).

 


Simone Forti is a major figure of American post-modern dance. Since the early sixties she has developed an improvisational body of work based on the observation and recognition of elementary and daily gestures. She moved to New York in 1960 and participated in the radical changes to the traditional notions of art that extended to all artistic fields during the 1960s.
Throughout the exhibition Danser l’actualité, our desire was to emphasize the psychic and physical dimension of movement — emblematic in Simone Forti’s choreographic and poetic work. We also chose to present the artistic and historical context in which her work began. The choice of a documentary format underscored a desire to privilege indexation and fragmentation as opposed to commemoration. Furthermore, we chose to extend the exhibition to several public sites in the city of Grenoble (public library, archives and student radio)
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Catherine Contour, chorégraphe, invite la danseuse Simone Forti à participer à un laboratoire de recherche qui se déroulera la première semaine de novembre au Pot au Noir, lieu associatif situé à Rivoiranche, dans le Trièves. Suite à cet atelier, l’artiste est invitée à donner une « conférence-performance » qui aura lieu à la galerie de l’école des Beaux-arts de Grenoble le jeudi 17 novembre.

Mi-octobre, nous avons reçu la proposition de Catherine Contour d’imaginer une présentation documentaire autour du travail de Simone Forti, qui prendra place à la galerie des beaux-arts de Grenoble du 16 au 18 novembre 2005.




Nos démarches

                   Si, parmi nous, certains pouvaient connaître, quoique partiellement, le travail de Simone Forti, beaucoup n’avaient jusque lors jamais entendu son nom. Ainsi, notre premier travail a consisté à réunir une documentation conséquente qui nous a permis d’appréhender et comprendre les enjeux relatifs à ce travail. Très vite, il nous est apparu évident que la pratique de la danse de Simone Forti semblait ancrer dans une exploration artistique bien plus large, qui excédait le strict champ de la danse.
              Simone Forti participe d’une génération de danseurs qui ont initié ce qui est aujourd’hui communément nommée danse post-moderne. Principalement influencés par la danseuse Anna Halprin, ces derniers écartent la notion de rythme en faveur du mouvement, l’écriture chorégraphique en faveur de l’improvisation, et le geste spectaculaire en faveur du geste quotidien. La danse sort de son carcan esthétique.
              Une des caractéristiques des années soixante à new York est la très grande proximité géographique et philosophique des artistes de tous les champs de l'art. Ainsi, ces années sont marquées par l’entrecroisement des disciplines entre elles, qui s’enrichissent mutuellement. Simone Forti a travaillé avec des sculpteurs, des compositeurs, et des artistes du happening. Elle-même a présenté certaines de ses pièces dans une galerie, la Reuben gallery.
              Le travail de Simone Forti s’est également développé pendant une période de grands bouleversements historiques : aux Etats-Unis, les luttes pour les droits civiques et l’émancipation des femmes, les manifestations anti-guerre et la révolte des noirs font rage. Si, dans le champ des arts, l’interdisciplinarité est de mise, nous assistons également à l’entrecroisement des luttes politiques et de l’art.
              Nous avons donc décidé de sélectionner un certain nombre d’images ou déclarations, qui évoquent ces évènements politiques et artistiques, et sont susceptibles d’interpeller la mémoire du spectateur. Notre volonté était d’instiller dans le regard même du spectateur cette idée de multiplicité des images, des sons et des mots, que l’on retrouve dans le travail de Simone Forti.
Par ailleurs, nous avons édité une série de bibiographies des ouvrages disponibles dans les bibliothèques de Grenoble qui se rapportent à son travail. Le visiteur est ainsi invité à poursuivre son exploration au-delà de l'espace l'exposition.
              Les notions de mouvement, de déplacement, si elles sont propres à la danse, ont également tout à voir avec les mécaniques de la pensée. Chez Simone Forti, la parole est le lieu de l’errance : les mots arrivent et s’engendrent les uns les autres, engendrent des images, engendrent des mouvements. Sa pratique de l’écriture est indissociable de sa pratique de la danse. Nous avons donc choisi de concentrer une partie de l’exposition sur ses écrits, soit sous la forme de traductions d’une sélection de ses poèmes toujours inédits en français, soit par l’impression en simultané, via une imprimante relié à un ordianteur, d’une de ses règles de jeu.
              Un dernier aspect du travail de Simone Forti a particulièrement retenu notre attention : il s’agit de ses collaborations avec un grand nombre de compositeurs innovants, de La Monte Young à Charlemagne Palestine. La révolution initiée dans le champ de la composition, et en particulier par  John Cage, a constitué une réelle influence sur les développements artistiques survenus au cours des années soixante - remise en cause de la notion d’auteur, dissolution des spécificités des arts, prise en considération de la temporalité dans la construction de l’œuvre, improvisation. Nous avons sélectionné plusieurs œuvres de compositeurs proches de Simone Forti, soit parce qu’ils ont collaboré, soit parce que leurs enjeux artistiques étaient convergents. Ces oeuvres témoignent également des principes d’écriture de cette génération de compositeurs, la répétition du motif, l’étirement d’une note, le déphasage, la libre interprétation, le silence.


Sitographie sélective



vues de l'exposition / exhibition views



plan de l'exposition / plan of the exhibition


Déroulement du projet



Jeudi 27 octobre, 14:00

Nous avons un premier rendez-vous avec Catherine Contour et les étudiants de l’école d’art de Grenoble en vue de définir le projet ainsi que nos investissements respectifs, et avancer quelques premières hypothèses. Les étudiants de l’école qui souhaitent participer se manifestent.
C’est au cours de cette discussion que nous prenons connaissance des diverses contraintes contenues dans la présentation dont nous sommes mandés : l’espace de la galerie doit être entièrement vide pendant de la performance de Simone Forti, nous ne disposons d’aucune archive, ni d’aucun budget.
Cette exposition sera donc créée ex-nihilo.


Samedi 5 novembre, 16:00

Nous nous sommes rendus au Pot au Noir, le lieu de résidence qui accueille les danseurs invités et réunis par Catherine Contour. Nous rencontrons pour la première fois Simone Forti. Après un tour de table de présentation, nous lui soumettons notre proposition d’exposition : présenter, au moyen d’images emblématiques que nous puisons dans les livres et sur le net, le contexte socio-politique et artistique dans lequel le travail de Simone Forti a émergé. De cette manière, nous évitons la forme d’une exposition « mausolée » et nous permettons au public de se saisir des questionnements et des bouleversements survenus au cours des années 60 et 70 à New York.
Nous décidons d’un entretien filmé qui aura lieu le lundi 14 novembre et qui sera diffusé tout au long de l’exposition.


Lundi 14 novembre, 10:00

L’entretien avec Simone Forti a lieu dans l’enceinte de l’école. Les quelques derniers réglages d’image et de son achevés, nous installons Simone en face de la caméra. Elle n’ôte pas sa veste de cuir noir. Ce n’est que plus tard, au fil de la discussion, qu’elle se débarrassera de ses vêtements, un à un : blouson, écharpe.
Nous avons choisi d’orienter nos premières questions sur son propre parcours, de manière à l’introduire chronologiquement, à travers la forme du récit autobiographique. Elle a une très bonne mémoire et nous livre avec précisions ses expériences menées dans le champ de la danse, ses rencontres et ses apprentissages.
Dans un second temps, nous l’interrogeons sur son rapport au politique. Durant la période tumultueuse des années soixante et soixante-dix, qui voit nombre d’artistes s’engager politiquement,  elle avoue s’être tenue en marge des évènements socio-politiques Aujourd’hui, le champ de la politique est un élément qu’elle interroge dans son travail, notamment à travers sa poésie et ses performances intitulées News Animation.
Pour finir, nous abordons plus précisément sa pratique de poète et son utilisation de la parole, qui fait désormais partie intégrante de ses improvisations de danse.


Mercredi 16 novembre, 10:00

Nous prenons définitivement possession des lieux. L’accrochage commence. Nous réalisons notre collage des images que nous avons préalablement sélectionnées. Pendant ce temps, Simone Forti apprend aux étudiants quelques-unes de ses pièces, notamment le Paysage : deux partenaires se répondent l’un l’autre, le premier prend une pose que le second interprète, d’après la tension du corps, son occupation dans l’espace, ou bien d’après sa forme. À son tour, il propose donc une nouvelle position, et cela continue ainsi. Les déplacements orchestrés par les apprentis danseurs se mêlent à nos propres mouvements.
Nous installons les lumières et les éléments de mobilier dans l’espace, décidons de l’emplacement du titre, ainsi que des photographies documentant des performances de Simone Forti. Nous réglons les niveaux sonores. Nous sommes un peu en retard…
L’exposition sera présentée pendant trois jours, chaque après-midi. L’aspect modulable de l’exposition, qui invite le public à une libre circulation, fait écho aux interventions dansées des étudiants de l’école d’art.



déroulement du projet / project in progress